Agnodice, figure emblématique de la Grèce antique, tente tant bien que mal de traduire un mal-être toujours aussi pesant de nos jours. A l’instar d’autres figures de cette époque, Agnodice parle à travers ses faits et gestes. Les femmes sont limitées au rôle de mère et invisibilisées.
Vous êtes-vous déjà posés la question de la place de la femme dans l’Antiquité ? Pour recontextualiser, cela évoque sans doute de lointains cours de primaire, c’est vrai. Mais d’abord de quelle Antiquité parle-t-on ? Aujourd’hui je veux vous parler plus spécifiquement de l’Antiquité grecque, nous nous situons donc dans une période qui débute vers 1100 avant notre ère. Voilà, le curseur temporel est placé. Maintenant réfléchissez à ma question, comment imaginez-vous la femme de l’Antiquité ? Quelle est sa place, son rôle, son statut dans la société ? Comment existe-t-elle
La société grecque est fondée sur le principe de citoyenneté, les non-citoyens sont donc exclus du modèle, à savoir : les voyageurs, les esclaves et les FEMMES. Une femme à Athènes n’est pas citoyenne, elle n’a donc aucun droit (pas de droits de propriété, pas le droit de participer aux assemblées, ni de voter) et aucune légitimité. Elle doit rester dans le rang et enfanter. Le statut des femmes évolue toutefois en -451 à Athènes lors des réformes de Clisthène, à compter de cette date, pour devenir citoyen, il faut être issu d’un père athénien et d’une mère athénienne. Cependant, les femmes ne sont toujours pas considérées comme citoyennes, elle peuvent, en revanche, transmettre la citoyenneté à leurs enfants de sexe masculin. La femme athénienne gagne donc en importance au sein de la société grecque, mais seulement au travers de la maternité. Ne nous emballons tout de même pas, cette réforme n’a été en réalité souhaitée que pour limiter le nombre de citoyens. La société grecque est profondément patriarcale et la place de la femme se trouve soit dans le milieu domestique, soit au temple. Il leur est interdit d’étudier ou de pratiquer la médecine depuis le Vème siècle avant notre ère.

Dans ce contexte où la femme n’est qu’une mère qui doit se soumettre, Agnodice bouleverse les codes. Son existence historique n’est pas prouvée, mais est tangible. A la façon de Mulan, elle se déguise en homme pour poursuivre ses rêves. Soutenue par son père, elle se coupe les cheveux, change ses vêtements et prend le nom de Miltiade. Agnodice devient un homme pour créer sa place dans la société et se fait passer pour le neveu de son père. Issue de la haute société athénienne, c’est sous cette fausse identité qu’elle étudie la médecine auprès du meilleur médecin de la cité, Hérophile de Chalcédoine (découvreur du réseau veineux et artériel, de la circulation sanguine, premier médecin à s’intéresser aux ovaires et aux changements du corps de la femme durant la grossesse). Elle devient à la suite de ses études, la première femme gynécologue.
Elle exerce son métier avec brio en conservant son masque d’homme auprès des hommes. À Athènes, ses compétences ne font aucun doute et elle devient célèbre. Toutes les femmes veulent la consulter, sachant vraisemblablement son secret et le partageant entre elles dans la confidence. Des rumeurs autour de son succès disent que Miltiade a une grande clientèle parce qu’il séduit les femmes mariées. Celles-ci obligent Agnodice à révéler son identité lors d’un procès public. Elle est alors, après avoir été humiliée et contrainte à montrer son intimité devant l’assemblée, condamnée à mort par l’Aréopage (institution judiciaire). Ayant étudié et pratiqué la médecine, Agnodice n’a pas respecté la loi athénienne. Malgré ses compétences reconnues, son statut de femme prévaut sur ses capacités. Ses patientes, suivant le procès, se soulèvent et veulent mourir avec elle lorsque la sentence tombe. Ce soulèvement et cette cohésion de femmes effraie l’institution de l’Aréopage, qui annule alors la condamnation d’Agnodice et lui rend le droit d’exercer. La pratique obstétricale est alors ouverte aux femmes.
L’histoire d’Agnodice est très mal connue, une seule source l’atteste, elle est datée du Ier siècle de notre ère et donc bien postérieure à l’époque présumée à laquelle aurait vécue Agnodice (entre le Vème et le IIème siècle avant notre ère), cette légende est tirée des Fabulæ, œuvre incomplète qui regroupe de nombreuses légendes grecques et romaines. La figure d’Agnodice est donc à utiliser avec précaution, mais de nombreux.ses scientifiques sont en faveur de sa reconnaissance.
Par: Marion
© dessins : Léa Julienne @lijheart