Parlons peu, parlons sexe. Raphaëlle* a 23 ans, elle pèse 134kg pour 1m67. Pour elle, la sexualité n’est ni un problème, encore moins un tabou. Elle accepte de partager avec nous son intimité, sans complexe.
Comment vis-tu ta sexualité aujourd’hui ?
« Je n’hésite pas à séduire. Je pense beaucoup plus a moi. Maintenant, je ne me contente pas du peu que j’ai en matière d’hommes, je vais chercher ce que je veux. Aussi, je dévoile beaucoup plus mon corps, je me mets nue plus facilement face à la lumière ou en plein jour, ce qui n’a pas toujours été le cas. »
Racontes-nous ta sexualité passée. Qu’est-ce qui a changé ?
« Ce qui a radicalement changé est le regard que je me porte. Avant, je prenais les hommes qui venaient vers moi, je me disais en moi-même : estime-toi heureuse, au moins il t’a remarqué. J’avais peur de ne pas plaire bien-sûr, mais en fait c’était des conneries. Et pendant l’acte, je gardais mon T- shirt, je n’avais pas envie que l’on voit mon ventre. Avec le temps, j’ai pris confiance en moi, ce qui a délibérément influencé ma sexualité. Tu t’autorises la lumière, a être nue. Tu as moins peur de la critique. Tu oses des pratiques que tu n’aurais pas osé, je parle de positions où la personne peut voir ton intimité, autrement dit tes faiblesses et tes complexes.
Et je suis devenue pointilleuse avec mes partenaires ! Maintenant, je sais ce que je vaux, s’ils ne me plaisent pas, il y en aura d’autres. »
Y’a t-il des pratiques sexuelles que tu n’osais pas faire ? Quelles sont-elles ?
« Au début de ma sexualité, j’avais du mal avec le sexe oral. J’avais peur que la personne soit dégoûtée de mon corps, je me l’interdisais. Pareil pour les cunnilingus, c’était hors de question. En y repensant, c’était dur parce que tu t’imposes à toi même une pression supplémentaire. Les positions étaient souvent les mêmes aussi, souvent la levrette qui donne l’impression de cacher son ventre. En fait, je préférais un rapport sexuel où tu ne vois pas ce que ressens la personne. Pas d’eyes contact et dans le noir aussi. C’était «tu fais tes affaires et bye bye». C’est clairement se voiler la face en refusant ce que l’autre pense de toi. »
Comment assumer sa sexualité lorsque l’on est obèse ?
« Malheureusement, il est toujours compliqué d’assumer sa sexualité quand on est grosse. La société rejette ton corps, alors ta sexualité n’est même pas abordée. C’est deux poids, deux mesures : soit nous sommes rejetés, soit nous devenons un espèce de fantasme !»
Un fantasme c’est-à-dire ?
« C’est-à-dire que l’on couche avec toi non pas pour la personne que tu es, mais pour ton corps de grosse. Sachez qu’il y a beaucoup d’hommes qui apprécient les femmes grosses, plus que l’on ne le pense… Mais cette partie de la gente masculine est bloquée dans un déni profond, ce sont eux qui n’assume pas nos formes au final. C’est un usage, on se sert de nous. »
Ce fanatisme du corps gras relève-t-il de la grossophobie pour toi ?
« Parfois, les hommes ont envie de tester quelque chose de différent, de nouveau. C’est utiliser une personne. Je ne pense pas considérer cette pensée comme grossophobe mais plutôt comme grossophile. Ils n’ont pas peur de toucher nos bourrelets mais c’est malsain. Pardon pour la comparaison, mais c’est comme coucher avec un noir, soit disant parce ce qu’il en aurait une grosse ! C’est de l’expérimentation, rien de plus. »
Cela t’est-il déjà arrivé ?
« Oui, mais j’ai vu le piège arriver… Je me suis sentie comme une proie, j’ai eu droit à ce type de phrase : j’aime pas les grosses, mais avec toi c’est différent. Tu vois le genre ? C’est de la grossophilie pure et dure. Une volonté de la part des hommes de sauver les femmes grosses, comme s’ils étaient des sauveurs…»
Concernant la grossophobie, peux-tu nous parler de tes expériences dans le cadre intime ?
« J’avais 17/18 ans je crois et j’étais avec mon copain de l’époque. Lors d’un rapport sexuel, nous étions dans la position de la levrette lorsqu’il a subitement couvert mes fesses d’un oreiller… Cela m’avait énormément gênée et après coup, il m’a déclaré qu’il aimait tout chez moi, sauf mes fesses ! Avec du recul, j’ai réalisé que c’était de la grossophobie. Ça m’a complexé et joué sur ma confiance en moi, surtout si jeune. Pendant un moment, j’avais une vie sexuelle très libérée et j’avais des «plans culs». J’ai appris que certains critiquaient mon corps derrière mon dos, qu’apparemment je n’étais qu’une «grosse vache» et j’en passe. Ces hommes niaient qu’il y avait de l’attirance, car ils avaient peur du regard extérieur, peur d’être jugé à aimer une grosse. Ils ont choisi le dénigrement pour pas que l’on ne le remarque. Ils veulent des femmes grosses au lit mais des femmes minces en public. »
Es-tu épanouie sexuellement ?
« Oui ! Je me concentre beaucoup plus sur mon plaisir que sur le fait de plaire ou non à la personne. Maintenant, je m’en fou, marre de me prendre la tête. Si l’on me dénigre au lit, je vais recadrer la personne, sans aucun scrupule. »
Peux-tu nous citer ton fantasme ?
« Ahhhh, bonne question ! Je dirais en public, dans un ascenseur. »
Pour finir, les kilos menacent-ils la libido ?
« Pour répondre à ton sujet, non je ne pense pas. Le poids ne forme pas une limite au plaisir, il ne faut pas s’arrêter là.»
*Le prénom de l’interviewée a été modifié afin de respecter l’anonymat.
Par Inès Apetovi