Souvent ramenées à leur genre, taxées d’incapables car elles sont des femmes, accusées de spolier le poste de leurs collègues masculins, insultées sur les réseaux sociaux, agressées sexuellement…. Une vingtaine de journalistes sportives ont fait le choix de témoigner des violences sexistes qu’elles subissent au quotidien en prenant la parole dans le documentaire de Marie Portolano et de Guillaume Priou Je ne suis pas une salope. Je suis une journaliste.
Ces journalistes exercent à Canal+, BeIN Sports, RMC Sport, TF1, Konbini, France Télévisions, L’Équipe… La télévision, les journaux, la radio, toutes les structures sont touchées. Avec ces témoignages, un voile se lève sur le sexisme qui gangrène le milieu du journalisme sportif.
Supporters du harcèlement, harcèlement insupportable
Le documentaire s’ouvre sur les interviewées citant certains des messages leur étant adressés sur les réseaux.
Ces messages odieux, allant jusqu’à des menaces de viol et de meurtre, sont en grande majorité adressés aux femmes. Violence de genre, ce harcèlement touche les femmes justement parce qu’elles sont des femmes. Progressivement, ces attaques atteignent en profondeur les journalistes « Quand tous les jours, tu vois des gens qui te disent « t’es nulle », sur Twitter, sur Insta, par messages privés, tu finis par penser qu’ils ont raison… J’ai vraiment souffert. »
Des mots aux actes
En parallèle, ces journalistes parlent et décrivent aussi les violences sexistes que leurs collègues masculins leur font subir. Elles racontent les blagues graveleuses et sexistes dont des collègues leur ont fait part : « c’est quoi la différence entre une femme et une chienne ? Le prix du collier ». En tant que femmes, elles sont aussi très souvent ramenées à leur seul physique. On les présente comme l’« atout charme » des reportages sportifs. Une journaliste raconte que sous prétexte qu’elle aurait pris du poid depuis sa grossesse, s’était posée la question de ne plus la mettre à l’antenne.
Le sexisme va malheureusement plus loin, de la parole aux actes, les collègues de ces journalistes ont franchi le pas. Tiffany Henne raconte avoir été enfermée dans un bureau par son supérieur qui ne voulait pas la laisser sortir tant qu’elle n’avait pas avoué son homosexualité devant une caméra. Et que dire de Pierre Ménès qui, sur des plateaux, embrasse des journalistes sans leur consentement et qui aurait soulevé la jupe et pris les fesses de Marie Portolano ? Ni lui, ni aucun autre n’a été cité dans le documentaire. Le média Les Jours revient sur cette absence et accuse Canal+ d’avoir censuré des parties du documentaire pour protéger leur animateur. Selon le média, le journaliste était nommément cité et confronté par Marie Portolano dans une version non censurée.
Ce qui transparaît de cette revue du sexisme dans le journalisme sportif, c’est l’ingérence des hommes sur le corps des femmes. C’est parce qu’elles sont perçues comme des objets sexuels, des objets sexuels disponibles, que les hommes se permettent de leur faire des remarques, de les rabaisser ou de les toucher.
Une endurante lutte contre la violence
Ces commentaires et remarques, ce harcèlement et ces agressions ont des conséquences. Les journalistes parlent de l’angoisse de regarder les commentaires les concernant et de l’angoisse d’aller au travail. Faisant face à des « avec qui a t-elle couché pour obtenir son poste ? » ou à « t’es une femme tu ne devrais pas parler de sport », elles doivent lutter continuellement pour ne pas se laisser convaincre que parce qu’elles sont des femmes, elles sont incapables de parler de sport et pour ne pas perdre confiance en elles. Ces remarques alimentent un complexe d’illégitimité que la société inculque aux femmes dès leur plus jeune âge. Le sexisme, elles le vivent au quotidien et c’est au quotidien qu’elles en subissent les conséquences.
Le documentaire ne se borne pas à énumérer ce qui ne fonctionne pas dans l’institution dont il traite, il propose via les interviews des journalistes des solutions, des voies de sortie: donner une éducation féministe aux enfants, créer des groupes de paroles, créer un fonctionnement de parrainage/marrainage, créer des quotas… Certaines font aussi mention du manque de femmes dans les postes de direction. Cécile Grès invite les victimes à parler de ce qui leur arrive ou leur est arrivé, à rompre le silence, car c’est en rompant le silence que les choses peuvent changer.
« L’essentiel, avec ou sans pénis, avec ou sans poils, c’est de filer les bonnes infos » (Frédérique Galametz)
Clara Chauvel
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