Le concept de charge mentale a été introduit par Monique Haicault en 1984 et popularisé plus récemment par la dessinatrice Emma. Des comptes Instagram comme @taspensea récoltent de nouveaux témoignages tous les jours. Si le concept est bien défini aujourd’hui, il est encore difficile à identifier dans la vie de tous les jours pour certain.e.s.
La charge mentale c’est quoi ?
Pour moi c’est le premier sujet féministe qui m’a révolté. C’est quelque chose que j’ai connu depuis toute jeune, ayant grandi avec un patriarche persuadé qu’il n’a aucun rôle à tenir dans un foyer. J’ai dû consoler mon frère quand ma mère n’était pas là et que mon père était devant la télé, le surveiller alors qu’il avait de la fièvre et que mon père dormait. J’ai dû lui rappeler l’heure des repas, les rendez-vous importants et les petites tâches du quotidien. J’ai dû, enfant, endosser le rôle de l’adulte responsable lorsque ma mère n’était pas là pour le faire.
Il existe des formes multiples de charge mentale qui sont souvent intériorisées par les femmes qui les subissent. La charge mentale domestique concerne principalement les femmes en couple hétérosexuel. Elle s’exerce au sein du foyer sur la répartition des tâches domestiques allant de la gestion de la vie quotidienne aux tâches les plus basiques, comme la préparation des repas ou la gestion du linge. La charge mentale peut être aussi sexuelle car la gestion de la contraception et la pression sexuelle repose souvent sur les épaules des femmes.
Si on voulait simplifier la définition de la charge mentale, on dirait que c’est le fait de devoir penser à tout, tout le temps. C’est être le grand commandant de la maison, l’organisatrice attitrée de la vie du foyer et de la vie quotidienne. Et ce rôle, bien évidemment, revient aux femmes qu’on considère comme étant nées avec la capacité innée d’entretenir une maison.
Si vous êtes persuadée que vous n’avez jamais subi de charge mentale et que votre conjoint, votre ami ou votre colocataire fait vraiment attention à la répartition des tâches, entrons un peu plus dans les détails.
Le diable est dans les petits détails
La charge mentale c’est quand ton mari t’appelle au travail parce qu’il a oublié où était rangée la carte bancaire ou parce qu’il ne sait plus à quelle heure arrive le train de sa fille. C’est quand il va faire les courses et que tu prévois déjà d’y retourner avant qu’il ne soit revenu, parce que tu sais pertinemment qu’il va oublier la moitié des choses. C’est quand, en rentrant du travail, tu dois encore préparer le repas, vider le lave-vaisselle, préparer le cartable des enfants et que lui pendant ce temps là regarde la télé pour se détendre après sa journée. C’est quand il vient passer du temps avec les enfants et qu’il les énerve, juste avant que tu doives les coucher.
C’est quand il ne pense pas à racheter de la lessive, qu’il ne pense pas à prendre rendez-vous chez le médecin pour le nouveau-né, qu’il oublie l’anniversaire de sa propre mère ou qu’il oublie même de nourrir les enfants quand tu rentres plus tard le soir.
C’est quand il faut repasser derrière lui parce qu’il n’a toujours pas appris à faire correctement le ménage ou à vider les poches de ses pantalons quand il les met au sale.
Mais c’est aussi quand il part du principe qu’en tant que femme c’est à toi que reviennent toutes les tâches domestiques. Et c’est aussi quand il te demande de le remercier parce qu’il a fait la vaisselle. Parce qu’il part du principe que c’est à toi de le faire, et que si c’est lui qui le fait c’est un service qu’il te rend et que par conséquent, il mérite de la reconnaissance.
La charge mentale c’est quand, en plus d’un planning professionnel très chargé, tu dois te taper tout un programme ménager et domestique à gérer. C’est quand tu dois anticiper les faits et gestes de tous les membres du foyer parce qu’ils sont incapables de le faire pour eux-mêmes.
C’est quand tu es à la fois femme, mère, cuisinière, femme de ménage, psy, coach, enseignante, secrétaire et assistante, mais que tu n’as aucune rémunération et souvent même très peu de reconnaissance.
Un cercle vicieux qu’il faut briser
La charge mentale c’est quelque chose qu’on peut toutes subir un jour parce qu’elle est intériorisée. Féministes comme alliés continuent de perpétuer ce fléau malgré eux parce qu’ils ont grandi avec une charge mentale assignée aux femmes comme étant la norme.
Reconnaître le problème c’est déjà faire un pas pour le régler. Nos comportements quotidiens sont pleins de biais sexistes qui nous ont été inculqués depuis tout jeune : « les hommes ne savent pas cuisiner » « les femmes sont multitâches » etc. Ces stéréotypes ne font que perpétuer la répartition genrée et inégale de la charge domestique.
Les femmes s’impliquent plus avec les enfants parce que la société leur impose de gérer la charge affective. Le masculin n’est pas construit pour être dans le cercle affectif. Elles subissent la charge mentale domestique car on garde des traces de cette construction sociale des femmes à la maison et des hommes au travail. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour se débarrasser de tous ces mécanismes, et penser un jour pouvoir atteindre un semblant d’égalité.
Par Léa Julienne
©Dessin de Léa @lijheart
Votre commentaire