Le 12 mars 2021, Fathia Youssouf Abdillahi est nommée meilleur espoir féminin pour son rôle dans le film Mignonnes de Maïmouna Doucouré. Revenons sur ce film, l’histoire qu’il raconte et les discussions qu’il a engendrées. Ce film qui veut aborder l’hypersexualisation des jeunes filles a été accusé par certains de faire l’apologie de la pédophilie. Une histoire de point de vue ?
Mignonnes, c’est l’histoire d’Amy, 11 ans, qui entre au collège et qui cherche à se construire en tant que jeune femme. Elle est « tiraillée » entre deux modèles de féminité : son modèle familial très traditionaliste, qu’elle rejette notamment à cause de la polygamie de son père qu’elle n’arrive pas à accepter ; et le modèle véhiculé par les filles de son âge qui portent des vêtements colorés, des jupes courtes, qui sont extraverties, bruyantes et culottées, qui parlent même de sexe et qui semblent la fasciner. Elle se construit et évolue finalement par mimétisme, en suivant le modèle de ses copines et des femmes dans les clips hypersexualisés comme ceux de Cardi B ou plus généralement des femmes qu’elle voit sur les réseaux sociaux.
Il y a une volonté de s’intégrer et de se faire remarquer chez Amy, qui grandit au cours du film et qui vire presque à l’obsession.
Le film reflète un mal-être profond de l’adolescente poussé à l’extrême. Ces changements brutaux de comportements et d’apparence chez Amy entraînent un enchaînement de situations de plus en plus violentes. Elle se bat, elle vole, elle se fait agresser physiquement et sexuellement. Elle propose des faveurs sexuelles à son cousin, persuadée que c’est ce qu’elle doit faire pour s’en sortir. Et au paroxysme du film, elle poste une photo de ses parties intimes sur les réseaux. A aucun moment elle n’est sexualisée par les adultes qui l’entourent. Cette hypersexualisation, elle lui est suggérée lentement, comme le chemin à suivre, comme une norme, par ceux de son âge et par ce à quoi elle est exposée au quotidien.
Ce que montre le film, c’est l’importance de déconstruire cette image de la féminité qu’on enseigne aux jeunes filles et qui les expose à des violences extrêmes dès le plus jeune âge. Maïmouna Doucouré parle (dans le magazine d’actualité 28 minutes sur Arte en août 2020) de l’importance de la représentativité dans le cinéma, pour permettre aux jeunes filles de se construire. Il n’y a pas une seule féminité, il ne faut donc plus montrer un modèle unique de féminité aux jeunes filles. C’est un double travail que fait ici la réalisatrice. A travers son film, elle dénonce l’hypersexualisation des jeunes filles qui se construisent via ce modèle occidental de la beauté féminine. Elle travaille également à mettre en lumière plusieurs sortes de féminités devant sa caméra pour travailler elle-même à déconstruire ce qu’elle dénonce.
Le film présente donc des petites filles de 11 ans, qui jouent, qui dansent, qui rient et qui pleurent avec leurs copines, qui font des bêtises et se cachent pour se goinfrer de bonbons. Le film présente également de manière très crue et réaliste les contradictions de la période pré-adolescente. Il met en scène des fillettes qui s’habillent comme des femmes, qui dansent lascivement et qui sont confrontées aux violences sexuelles bien avant d’être confrontées à leur propre sexualité. Le film veut simplement choquer pour dénoncer.
Fathia Youssouf, Médina El Aidi-Azouni, Ilanah Cami-Goursolas, Myriam Hamma et Esther Gohourou incarnent cette période de la pré-adolescence durant laquelle les jeunes filles connaissent beaucoup de changements et sont en quête de leur propre identité. Si vous êtes et si vous avez été une adolescente de 11 ans il n’y a pas si longtemps, ce film fait forcément écho à un sentiment que vous avez connu.

En août 2020, la sortie du film est annoncée aux U.S. sur la plateforme Netflix avec cette affiche. Les réactions sont excessives et l’ultra-droite américaine va jusqu’à accuser la réalisatrice de faire l’apologie de la pédophilie ou d’encourager la pornographie juvénile. Là encore les réactions en disent long. Le problème ce ne sont pas ces petites filles ni leurs tenues, le problème c’est le regard que l’on peut porter sur elles. Voir dans cette image une incitation à la pédophilie relève d’un problème de point de vue. N’y a-t-il pas qu’un pédophile pour voir là une incitation à la pédophilie ? On ne le répétera jamais assez « le coupable c’est pas moi, ni mes fringues, ni l’endroit, le violeur c’est toi ».
Léa Julienne
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